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Argile du frêne

Charlotte Ghomeshi, Clara Lacasse, Claude Labrèche-Lemay et Loïc Chauvin

5 septembre au 27 octobre 2024

Vernissage, le 5 septembre 2024 de 18h à 20h

Entrée libre


Argile du frêne réunit de nouvelles œuvres photographiques de Loïc Chauvin, Charlotte Ghomeshi, Claude Labrèche-Lemay et Clara Lacasse. Comme les syrphes, ces mouches jaunes et noires qui ressemblent aux abeilles et aux guêpes et ainsi évitent leurs prédateurs, les œuvres présentées séduisent, dissimulent, leurrent. Par des associations poétiques, instinctives et parfois fortuites, les artistes manipulent et rassemblent différents fragments photographiques pour pointer vers ce qui s’enfouit sous leur surface : l’adaptation du corps face à ses défaillances, l’emprise humaine sur son environnement, la transformation du vivant en ressources naturelles ou l’espace de dérive qu’offre le quotidien.

Le cornet twist vanille-chocolat fond trop vite, ça dégouline sur mes souliers. Je perce avec mes dents un petit trou à la base du cornet, bascule la tête vers l’arrière et le place à la verticale au-dessus de ma bouche. J’attends. Je laisse le soleil faire le travail à ma place.

J’observe les lettres de l’enseigne lumineuse, D a i r y Q u e e n : chaque lettre est un volume de métal, de vis, d’écrous, de plexiglas, d’ampoules. Les lettres dorment en attendant la nuit. Le deuxième — e — est tout bouché : de loin on dirait presqu’un — o —. La lettre piaille : des moineaux y ont fait des nids, colmatant avec de la ouate et des brindilles chaque cavité qu’offre la lettre.

D a i r y Q u e o n.

La piste cyclable toussote en une descente en S. Je ralentis au premier tournant en haut de la côte. Quand la piste réapparaît plus bas, une ligne polie de bernaches et d’oisons la coupe perpendiculairement. J’attends, je regarde les frênes, au pied desquels reposent des morceaux de leur écorce. Leurs troncs nus révèlent d’impressionnantes galeries en serpentins, des gribouillis abstraits . Des panneaux expliquent que ces galeries sont creusées par l’agrile du frêne, un insecte ravageur à la carapace verte. À peine visible sur le bout de mon doigt, un reflet émeraude, l’insecte est pourtant capable de décimer des forêts de frênes.

Un diagramme montre une coupe en oignon de l’arbre. Du centre vers l’extérieur : moelle < bois de cœur < aubier < cambium < écorce. L’agrile, après s’être nourri des feuilles de l’arbre, profite de brèches dans l’écorce pour y pondre ses oeufs. Ses larves se nourrissent de la partie vivante de l’arbre, le cambium, entre l’écorce et l’aubier, y creusant des tunnels et des galeries. À la longue, ceux-ci empêchent le transport essentiel de l’eau et des nutriments des racines aux parties supérieures de l’arbre : l’arbre suffoque. Lorsque les premiers signes se font sentir, il est déjà trop tard. Je regarde les autres frênes qui semblent sains; je plisse les yeux pour essayer de voir au travers.

Plus tard, en pressant les touches de mon clavier d’ordinateur, des miettes égarées entre les touches viennent doubler certaines lettres, en omettre d’autres lorsqu’une touche reste enfoncée. Sous le mot agrile, le correcteur fait scintiller une ligne brisée rouge. Je vérifie l’orthographe, certain que les miettes ont modifié le mot. Il semble correct. Lorsque j’appuie sur la barre d’espacement après avoir écrit agrile, le correcteur s’en occupe lui-même et le change pour argile. Argile du frêne.


À propos des artistes


Charlotte Ghomeshi est une artiste visuelle qui vit et travaille entre Montréal et Saint-Sauveur. Elle commence sa maîtrise en photographie à l’Université Concordia cet automne et est lauréate du prix Lande en photographie. Son travail a été présenté dans des expositions individuelles – Caravansérail (Rimouski) et Parc Offsite (Montréal) en collaboration avec Projet commun – et dans diverses expositions de groupe – Galerie VAV (Montréal), Centre Skol (Montréal), galerie FOFA (Montréal), Centre Sagamie (Montréal), Casa Lü (Mexico), à la 6e édition de ARTCH (Montréal) et Plein sud (Longueuil). Elle a également participé à des résidences d’artistes au Centre Sagamie (Alma), Casa Lü (Mexico), CJE Centre-Ville (Montréal) et Est-Nord-Est (Saint-Jean-Port-Joli). Son travail a reçu le soutien du Conseil des arts du Canada.

Charlotte est également la fondatrice et commissaire du projet Tabloïde, une initiative d’art public qui prône l’accessibilité à l’art en présentant des œuvres photographiques dans l’espace urbain.

Clara Lacasse s’inspire de la construction des récits liés à l’Histoire, à la nature, aux sciences et à l’imaginaire collectif. Par un travail axé sur l’image photographique, elle soutient une réflexion critique sur les représentations engendrées par la culture visuelle et sur l’image comme instrument de connaissance et de pouvoir. Ses projets sont souvent le fruit de collaborations avec des organismes scientifiques, médicaux, juridiques ou culturels.
Par ces partenariats, elle témoigne du dialogue complexe entre science et culture en remettant en question les vérités qui leur sont propres. Lacasse est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts avec une majeure en photographie de l’Université Concordia (2018). Elle est l’une des récipiendaires du prix Nouvelle génération de photographes (2022) décerné par la Galerie Nationale du Canada et la Banque Scotia. Son travail a été présenté dans des expositions individuelles à VU Photo (Québec) et DRAC (Drummondville), ainsi qu’au sein d’expositions collectives à Plein Sud (Longueuil), à la Galerie Nationale (Ottawa), à l’Arsenal (Toronto) et au Centre Skol (Montréal). Son travail a reçu l’appui du Conseil des Arts du Canada et du Conseil des Arts et des Lettres du Québec.

Claude Labrèche-Lemay est une artiste visuelle qui s’inspire des différentes perspectives temporelles et des failles du langage et de la traduction pour créer des installations interdisciplinaires. Elle est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts avec une majeure en photographie de l’Université Concordia (2019). Son travail a été présenté dans diverses expositions collectives, à la Galerie FOFA (Montréal), Galleri Monitor (Göteborg, Suède) et Gallery 44 (Toronto) dans le cadre de Proof 26. Depuis 2019, elle est interprète et collaboratrice avec Laura Jeffery chorégraphe en danse contemporaine. En 2021, elle participe à une résidence de recherche-création sur la Côte-Nord avec PANACHE art actuel (Sept-Îles) avec qui elle aura une première exposition solo à l’automne 2024. Sa pratique a été soutenue par le Conseil des Arts et Lettres du Québec et le Conseil des Arts du Canada.

Loïc Chauvin est un artiste multidisciplinaire vivant à Montréal. Diplômé de l’Université Concordia en photographie (2019), il y poursuit actuellement une maîtrise en sculpture et céramique (2025). À la fois fasciné et effrayé par la façon dont l’humain s’improvise apprenti sorcier en intervenant sur la nature, Loïc Chauvin fait cohabiter, au sein de ses projets, des sentiments contradictoires sous une forme concise, pouvant prendre la forme de sculptures, de photographies, d’interventions ou d’installations Ses projets ont été présentés dans diverses expositions collectives, notamment à Plein Sud Art Actuel à Longueuil (2024), au centre d’artistes Caravansérail à Rimouski (2022), à la cinquième édition de ARTCH à Montréal (2022) et à l’Alte Handelschule à Leipzig, en Allemagne (2020). Son travail a été soutenu par le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada.